Cette semaine, je vous partage une interview d’une artiste atypique dont j’aime beaucoup l’univers. Rachel Weasel Fisher, un personnage à la fois un peu punk, à la fois sensible, brute de décoffrage. Son univers est plein d’onirisme, d’humour incisif et caustique (parfois aussi un peu potache), de noirceurs. J’aime sa verve, son côté désinvolte. Certaines de ses punchlines me font même penser à du Boris Vian (Je pense surtout à ce poème en question, qui est un peu un mantra pour moi). Elle a de l’audace et une folie douce… Bref, j’aime ! Et quand j’aime, je partage ! Voici donc une interview home made, un peu débile aussi (mais ça fait du bien de rire) ! Et vous allez voir elle est … funky ! ah ah ! Attention du talent en barre !
Pour celles et ceux qui ne te connaissent pas, pourrais-tu te présenter en quelques mots. Quel est ton parcours ?
Je m’appelle Rachel Weasel Fisher, je suis plasticienne autodidacte. Je pratique essentiellement le papercut et l’illustration. Mis à part mes 3 mois de fac en arts plastiques (et ma fuite face aux partiels), mon parcours n’a rien à voir avec le monde artistique. J’ai longtemps travaillé dans le social. Mes dernières années dans ce milieu m’ont convaincu qu’il était temps pour moi de prendre mon envol, pour mon épanouissement personnel….et puis aussi éviter la prison.
En tant qu’artiste, il y a souvent des rencontres déterminantes qui font que tout bascule, est ce que cela été ton cas ?
Complètement. ça s’est fait en 2 temps. En arrivant à Montpellier, j’ai rencontré un certain Cahuate Milk. C’est un peu lui qui m’a poussé à faire ma 1ère expo.
Et puis en 2017, quand il m’a programmé à la Galerie Ephémère, c’est là que j’ai compris que je voulais en faire mon métier.
J’avais une envie folle d’évoluer, et je me sentais bridée de par mon travail. J’ai donc démissionner pour ne me consacrer qu’à ma passion : le gribouillage. Quand tu as 10 ans d’âge mental, quoi de mieux que de se retrouver à faire du coloriage et de la découpe ? Alors certes, je ne mange plus ma colle comme en CE2, j’ai un peu grandi entre temps (environ 45 cm), mais je garde tout de même mon âme d’enfant.
Après la galerie, mon travail de paperartist s’est confirmé, mais je n’étais pas satisfaite de mes illustrations. Elle n’avait pas d’âme (comme moi). J’ai rencontré un artiste pluridisciplinaire, qui fait de la vidéo, du graffiti et de la photo. Sober m’a permis de prendre un peu + confiance en moi, d’aller + au bout de mon travail. Si aujourd’hui je dessine des paires de c***** pour faire marrer les gens ou bien des animaux étranges, c’est parce qu’il m’a poussé à montrer ma personnalité. A savoir quelqu’un de sensible et un peu con à la fois.
Y a-t-il des créateurs (actuels / anciens) dont tu aimes beaucoup le travail ? Quelles sont tes influences (peinture, musique, cinéma, photo…)?
Je m’intéresse beaucoup au travail de Craola, Aaron Horkey, ROA et aux sculptures surréalistes de Ellen Jewett que j’affectionne tout particulièrement.
J’ai longtemps cherché mes influences. Et je pense avoir pris une sacrée claque en découvrant le travail de Ellen Jewett. Elle m’a clairement permise de trouver ce vers quoi je voulais aller. A savoir, travailler plus en détails dans un univers surréaliste et poétique tout en racontant une histoire. Histoire que je déteste raconter à celui qui m’en demande +. J’aime le fait que les gens se racontent leur propre conte en regardant mon travail.
Et puis parfois, l’humour décalé du “flim” La Classe Américaine, qui n’est pas un flim sur le cyclimse, resurgit, pour laisser place à des illustrations et des punchlines un peu + humoristiques.
J’aime particulièrement la littérature et le cinéma fantastique. La trilogie des Fourmis de Bernard Werber m’a sûrement amené à travailler le papercut en miniature. Le monde des insectes me fascine, et c’est tout naturellement que j’ai réalisé ma 1ère “curiosité” avec un scarabée sous verre.
Peut tu nous parler de tes créa ? de ta technique ? Pourquoi travailler avec du papier ?
Mes créations se tournent essentiellement vers l’animal et la nature.
Pour ce qui est du papercut, je travaille au scalpel. Depuis peu, je les met en valeur sous cloche, dans des flacons ou des fioles pour retrouver ce côté “cabinet de curiosités”. La composition se fait au dernier moment. J’y ajoute fleurs séchées si besoin, pour rehausser le découpage. Aujourd’hui, très souvent, ce sont les clients qui décident de leur curiosité. Je trouve cela intéressant, car régulièrement, j’ai des commandes complètement farfelues, sur des thèmes auxquels je n’aurais pas forcément pensé.
Je travaille le papier parce que je suis une grosse fragile. Alors laisse-moi tranquille ou je vais pleurer. Je suis pas venue ici pour souffrir, okay ?
Pour ce qui est de l’illustration, je travaille à l’encre, en noir et blanc uniquement (parce que je n’ai pas d’âme, rappelle-toi). J’aime travailler le détail, pour que le “spectateur” rapproche son œil de la toile. Je pars souvent d’un personnage central, et l’agrémente avec d’autres. Je fais quelques recherches en amont, pour garder une certaine cohérence entre ces personnages. Je suis cette ligne directrice, mais je reste très spontanée dans la réalisation de mes illustrations. Je suis rarement le plan prévu du début. C’est mon côté dispersée.
Tu dis “Mes créations se tournent essentiellement vers l’animal et la nature”, c’est ton chien Yoda qui te manipule ?
Alors. que les choses soient clairs…Yoda n’est pas mon chien. Je suis son humain. Du coup, je crois qu’en disant ça, je réponds à la question…
Ah ah ah ah ! Oui ! je vois ! (je suis moi même un esclave à chat, je compatis).
Allez ! Comment tout ça a commencé ? Comment as tu débuté ? Quelles sont tes valeurs ? Tes envies ?
J’ai fait ma 1ère expo au Black Sheep, en 2014. A partir de là, je n’avais plus envie d’arrêter. Tu savais qu’à tes propres vernissages, tu avais des bières gratuites?
Je tiens à ce que mon travail reste accessible à tous. Alors certes, mes originaux ont grimpé niveau prix, mais j’y passe beaucoup + de temps. Je me suis professionnalisée, ce qui change aussi la donne. Pour palier à ça, je propose des reproductions et sérigraphies pour garder cette accessibilité.
Pour mes papercut, c’est pareil. Il y a des compositions qui me prennent énormément de temps, et qui ne seront pas forcément abordables pour tous, mais ceci reste assez exceptionnel. Je reste quand même sur un créneau relativement intéressant pour ceux qui souhaitent avoir un produit fait main, unique et insolite.
Mes envies, là de suite, je dirais que j’ai hâte de partir sur des choses un peu + grandes en matière d’illustrations, avec + de détails, et peut-être même changer de support. Sinon j’ai envie d’une raclette. J’en ai pas beaucoup mangé cet hiver.
Quand on regarde tes pièces volumineuses, on se demande combien de temps ça te prends tout ça, et on se dit que tu dois êtres hyper maniaque quand t’es en mode “découpe”. Allez, avoues nous tout t’es un cyborg du futur c’est ça ?
Ca me plairait bien d’être un T-800 de la découpe, malheureusement pour moi, je suis très loin d’être le Terminator. J’ai un gros problème de concentration. Tu vois Francis de Malcolm qui passe son temps à être déconcentré par un insecte alors qu’il a du travail à faire ? et bien c’est moi. J’ai 2 choses qui arrivent à me faire tenir focalisée : la musique et ma cafetière. Et aujourd’hui, je crois que ce qui me déconcentre le +, c’est Siko. Il me raconte toujours trop de conneries. c’est mon John Connard.
Tu travailles sur quoi en ce moment ? Des projets à venir ? Des envies particulières pour la suite?
En ce moment je travaille sur une illustration qui servira de décor dans un show room de cuisines en Bretagne. J’ai également des fresques en préparation et un site à terminer…qui sera prêt quand je serais morte, je pense.
Pour ce qui est de la suite, j’aimerais exposer ailleurs qu’à Montpellier. Je crois qu’il est temps d’élargir mon champ de vision et sortir de mon confort. Je viens d’ailleurs de lancer une grande promo pendant tout le mois de juin pour financer ce projet, et m’acheter une petite voiture. Je mets à disposition mes 3 sérigraphies à prix sympathique. Avec un peu de bol, d’ici 2034 je pourrais parcourir la France avec Yoda (NDR : Yoda c’est le nom de son chien) (elle aura à peu près 366 ans en âge d’humain) et me faire une expo itinérante. ça c’est un rêve que j’ai depuis 2015 je crois.
Il est aussi grand temps pour moi d’utiliser mon plotter de découpe, et ainsi proposer des produits en série.
Peux tu nous causer du projet que tu as réalisé lors de l’événement éphémère palingénésie?
Demain, un couple te contacte, car ils vont se marier et aimeraient que tu proposes une déco 100% dans ton univers. Qu’est-ce que tu leur proposerais ?
Je pense que je partirai sur une déco un peu étrange et insolite. Ce ne serait pas dérangeant, mais singulier. Un cabinet de curiosités avec flacons, fioles, cloches. Des bouteilles de pinards avec une décoration papier pour les rendre un peu + attractives. Même si on sait bien qu’il n’y a pas vraiment besoin de ça pour les boire. Un stand photo à ma sauce, avec un décor en papier et toujours des objets (type cabinet de curiosités) qui sortent de l’ordinaire.
Mon plus grand kiffe serait de réaliser la robe de la mariée, mais juste pour la voir se détruire juste après. Pas la mariée hein, juste la robe.
Je pense que je jouerais beaucoup avec l’éclairage aussi. Il n’y a rien de plus poétique et enivrant que de voir danser les ombres des papercut. C’est mon p’tit côté romantique-fragile ça.
Quel est le projet le plus dingue que tu aies pu faire ?
Je pense que ça reste la galerie éphémère. J’avais la salle de bain à ma disposition. J’avais décidé de la vêtir entièrement de papier blanc, et de plonger le public dans un océan. Malgré le stress et les 2 semaines intenses de travail et de recherches, je pense que ça été le projet qui m’a le + épanoui. D’une part parce que participer à cet événement c’était aussi sensibilisé les spectateurs à la journée mondiale des zones humides, et d’autre part travailler auprès d’autres artistes, c’est ce qui me nourrit le +. Joindre l’utile à l’agréable, que demande le peuple ?
Imagines tu as no limit en budget, quel projet fou tu révérais de faire ?
Je rêverais de travailler avec des danseuses. Travailler tout un décor, avec des illustrations démesurées, un plafond en papercut avec un jeu de lumière, et des costumes en tyvek.
Avec qui révérais tu de collaborer ?
Je rêve d’une banque…ah nan, c’est pas ça…ça c’est du plagiat.
Je recommence.
Je rêverais de faire un défilé de création de costumes en papier avec Jean-Paul Gaultier. Rien que ça.
Et si on continue sur des trucs complètement surréalistes, un clip avec le rappeur Scylla. Je suis sûre que je pourrais offrir quelque chose de singulier, pour ne pas dire inédit. Je l’écoute beaucoup quand je travaille et il fait partie de ces chanteurs qui me plonge dans une concentration qui dépasse les 10 minutes. Ce qui n’est pas rien.
Une question qui brûle les lèvres de la plu part d’entre nous … Aimes tu les albums de Steven Seagel ?
J’ai tous ses albums et je ne rate jamais ses concerts. J’espère que ça répond à ta question.
Pour cette question c’est une carte blanche, tu peux nous dire tout ce dont tu as envie. Un coup de cœur, comme un peu de pub ! c’est toi qui choisit !
Je voudrais remercier le collectif des Biches, qui me soutient depuis un ptit moment déjà. C’est un collectif de nanas qui promeut les femmes, qu’elles soient musiciennes, plasticiennes, photographes, etc… Elles sont très actives sur Montpellier et leurs événements offrent une belle palette d’artistes à chaque fois. D’ailleurs, le 7 juin, je fais partie de leur programmation. Une exposition à la galerie Arterossa, qui réunit 24 femmes pour 12 collaborations. Et ça dure jusqu’au 19 juillet.
Et sinon, gros coup de coeur pour le vidéaste The Sober Touch Prod. Humainement, c’est une personne en or qui m’a toujours soutenu et porté vers le haut. J’ai hâte de vous montrer notre travail en collaboration. On a mis Yoda en guest. Et franchement, elle est meilleure actrice que Steven Seagal.
Tu peux nous parler un peu plus de l’expo à la galerie Arterossa, qui réunit 24 femmes pour 12 collaborations?
C’est une expo à la galerie arterossa, à l’initiative du collectif des Biches, qui réunit 24 femmes pour 12 collaborations. En fait, le mieux pour se rendre compte de ce c’est, c’est encore d’y aller. J’ai découvert le travail des autres binômes le soir du vernissage (comme nous toutes), et ça été une belle surprise. Je pense qu’on s’est toutes bien investies, qu’il est parfois difficile de déterminer qui a fait quoi tellement ça s’emboîte bien comme des Lego. Ce que je peux rajouter, c’est que ma partenaire de création, qui est Anakin, une photographe, et nous allons continuer notre collaboration. finalement, ce 1er tableau n’est que le prototype d’une série que nous allons développer.
Penses tu que pour la prochaine interview tu peux répondre à la Pierre Emmanuel barré ? (référence à cette interview assez mythique)
T’as fini de m’emmerder avec toutes tes questions ?
Crédit : Mathieu Sonnet / Ambre RenardQu’elle est la question que je ne t’ai pas posé, que tu aimerais trop que je te pose ? Et qu’y répondrais tu ?
À quoi vous pensez si je vous dis « monde de merde » ?
Je pense qu’Orson Wells a bien raison de ne pas aimer les voleurs et les fils de pute. Mais sinon je pense aux ouiches lorraines et à la ferme ta gueule toi du con espèce de crétin. Le problème avec cette qestion, c’est que je peux te citer le flim entier…