Voici le 3eme opus du projet I AM THE VIRUS, pour voir les autres, c’est par ici :
#1 Fab Caro & Muriel Palacio https://www.buffetfroid.net/i-am-the-virus-1/
#2 Guillaume Texier (La Distillerie) & Jizuss https://www.buffetfroid.net/2-guillaume-jizuss/
ILLUSTRATION : Fanny Saint-pierre
facebook : Saint Pierre Artwork
insta : saintpierre_artwork
TEXTE : Brett Caldas-Lima / TOWER STUDIO https://www.facebook.com/TowerStudioFR
“I’d like to share a revelation that I’ve had during my time here. It came to me when I tried to classify your species and I realised that you’re not actually mammals. Every mammal on this planet instinctively develops a natural equilibrium with the surrounding environment but you humans do not. You move to an area and you multiply and multiply until every natural resource is consumed and the only way you can survive is to spread to another area. There is another organism on this planet that follows the same pattern. Do you know what it is? A virus. Human beings are a disease, a cancer of this planet. You’re a plague and we are the cure.”
Aaaaaaah, Matrix. Pfffffou ! Quel film. Enfin le premier surtout, chef d’œuvre. Les deux autres, franchement, bof bof, j’ai rrrrrrrien compris (ou alors si j’ai compris, ben c’est qu’ils sont encore plus mauvais que ce que je pensais). Ouhla la vache, j’ai à peine commencé cette “carte blanche” que déjà je m’égare. Ou pas ?
Bon. Depuis que ce “connard de virus” (big-up Renaud si tu me lis) est entré dans nos vies (à moins que NOUS ne soyons entrés dans la sienne – après tout c’est pas le cerf qui traverse la route mais la route qui traverse la forêt), tout le monde semble ne plus espérer qu’une seule chose : que tout “redevienne comme avant”.
Je ne fais pas partie de ces gens.
Le monde d’avant, je n’en veux plus.
Sachez que je n’ai rien contre vous si vous pensez le contraire, chacun voit midi à sa porte et il ne m’appartient pas de porter un jugement négatif sur les gens qui ont tort (muahaha). Mais j’ai quand même l’impression qu’il faut vivre avec des œillères bien rivées de chaque côté du crâne (certains appellent ça la télévision), avoir une sacrée capacité à faire abstraction de la réalité, ou être particulièrement égoïste pour ne pas penser que le monde d’avant, dans l’ensemble, ben c’était quand même bien de la merde en fait.
Certes, il était plutôt “confortable” ce monde quand on était “du bon côté”. Il étincelait et tout. On y avait même des concerts et des restos, des cinés et des musées, des bars et des contacts physiques… Tout cela n’était possible que grace aux avancées technologiques qui depuis la Révolution Industrielle ont fait de nous des êtres surpuissants capables de soumettre et transformer leur environnement. Les maitres absolus du Monde. Mais au prix de quoi ? Aux dépends de qui ? Et pour combien de temps encore ?
A l’époque de nos parents (ou grand-parents), comme pour la cigarette, l’amiante, le racisme ou le sexisme, on pouvait encore vaguement prétexter : “On savait pas vraiment. Pardon.” Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Maintenant on sait. On sait tout. Et si on n’y fait rien, c’est par choix. Rien d’autre.
On se réunit entre grandes puissances et on tente de faire bonne figure, on se donne bonne conscience en faisant des promesses écologiques défiant les lois de la physique, intenables sans des changements de confort radicaux dont personne ne veut, et dont aucun politique, tout obsédés par le court terme et les prochaines élections qu’ils sont (ils ou elles hein), n’accepte de prendre la responsabilité. Alors on brasse de l’air, à coup de green washing et de poudre de perlimpinpin, mais on garde le pied sur l’accélérateur. On nous vend un nouveau concept, le “renouvelable”, alors que toute l’énergie était 100% renouvelable avant l’avènement des “machines” nourries au charbon, au gaz, au pétrole ou à l’électricité. On prone la sobriété mais on pousse à la consommation. On cache la poussière sous le tapis et on espère ne plus être là quand ça va vraiment péter. Parce qu’on ne veut pas assumer. Tant pis pour les autres. On nous ment. On se ment. On se rassure.
“Jusqu’ici tout va bien”.
Ben en fait non, plus rien ne va figurez-vous. Le climat part en couille. Les océans sont des poubelles où des continents constitués de déchets plastiques se forment. L’humanité et son cheptel représente 97% de la biomasse des mammifères vivants sur la planète. 70% des animaux vertébrés ont disparu de la surface du globe depuis 1970 (ce chiffre s’élève même à 94% pour le continent Sud Américain). Partout on détruit les forêts à un rythme insensé pour nourrir des animaux entassés et maltraités (80% de la déforestation ne sert qu’à ça), animaux qu’on va eux même ensuite manger. Enfin, en partie seulement, puisque plus d’un tiers des aliments produits sont jetés. Gâchés. Gaspillés. Poubelle. Et tant pis pour ceux qui crèvent de faim.
Et pour le climat ? Bah c’est déjà trop tard. L’inertie est telle qu’on ne peut qu’essayer d’amortir l’impact, limiter les dégâts à venir (qui seront considérables partout et pour tout le monde). “Les choses qui sont en mouvement ne peuvent être arrêtées” disait Gandalf. Oui, j’aime bien m’exprimer en “extraits de film”, vous avez remarqué ? Ça fait “dramatique”, ça donne un certain style.
On vit dans un monde absurde, ubuesque, où la science est bafouée, l’intelligence moquée, la culture accessoirisée, la surconsommation normalisée, la bêtise starifiée. On accorde moins d’importance à ce que dit le sage qui doute qu’au bouffon assuré qui gesticule et parle fort.
“Ohlala mais Brett mais stop, putain la déprime ça va pas du tout là !!! T’avais dit à Buffette que tu comptais faire un texte positif !!! PO-SI-TIF !!!”
Ah oui pardon tu as raison Petite-voix-dans-ma-tête. En même temps ça va, je l’ai pas prise en traitre, je lui avais dit que le titre temporaire de ma carte blanche était un clin d’œil à Didier Super : “On va tous crever”.
Reprenons. C’est un fait incontestable : l’état des lieux est à chier. Le constat pue le caca. Seule une poignée de connards est encore capable de le nier ; ceux qui pensent ne pas avoir de trou du cul parce qu’ils ne peuvent pas le voir.
Ok c’est bien beau tout ça, mais quel est le rapport avec la situation actuelle, le Covid, et le concept du projet de Miss Buffet Froid ? Et bien outre l’aspect individuel et humain totalement dramatique pour des millions d’entre nous que je ne minimise d’aucune façon (on n’a pas encore fini de prendre conscience de l’étendue des dégâts), cette crise du Covid est, je le crois, une multiple chance (je vous renvoie à l’origine double du mot “crise” : douleur / opportunité).
• Il démontre, à qui en doutait encore, à quel point notre Système est fragile. Très performant quand tout va bien, il s’avère être extrêmement peu résilient. Le moindre petit grain de sable et tout déraille. Il va falloir revoir son équilibre, sacrifier à la performance pour gagner en résilience.
• C’est, pour nos sociétés, à la fois une répétition générale et une préparation à des menaces sanitaires bien pires qui semblent, de l’avis des spécialistes, peser sur nos têtes dans un avenir très proche. Et oui, c’est que le début (d’accord d’accord). Parce qu’en Occident, les pandémies, bah on n’est pas prêts. Clairement. Le constat est sans appel. Ni nos dirigeants (booooh les gros nuls), ni nous, irréductibles Gaulois (ou Yankees) plus malins que les autres, qui riions des Asiatiques avec leurs masques ridicules pour une petite grippette, et qui, sous couvert de “Liberté !” (à hurler bien fort le torse bombé), refusons de ne plus nous faire la bise ou de porter un masque correctement par dessus le nez tout en criant à la conspiration parce que nous on sait, on n’est pas des moutons endormis et on est experts en tout.
• Mais c’est aussi l’occasion de montrer qu’un autre monde est possible et qu’en plus, il est même plutôt agréable. Un monde où les gens ne prennent pas tous la voiture pour aller bosser cinq jours sur sept dans des bureaux alors qu’ils pourraient bien souvent faire la même chose de chez eux et passer plus de temps avec leurs proches. Un monde où les villes décroissent. Un monde dont le ciel cesse d’être le théâtre d’un balai aéronautique en grande partie inutile. Un monde qui ralentit. Un monde où l’on retrouve un peu de calme, de silence, où la Nature souffle un peu pour peu qu’on lui foute la paix 5 minutes. Avez-vous pu vous balader au printemps et à l’été dernier ? Je n’avais pour ma part pas vu autant d’abeilles ou de papillons depuis que je suis gamin (il n’y pas si longtemps que ça – à l’échelle de la planète – hum). Et devinez quoi : c’est un scoop, mais un monde sans ces petites bestioles fragiles c’est un monde sans humains (ou alors… beaucoup moins).
• Et je constate “en” et “autour” de moi que ce temps et ce calme retrouvés, quand ils ne sont pas gâchés à déverser sa connerie sur les réseaux sociaux pour se donner de l’importance ou à faire la queue des heures durant dans le drive du McDo en écoutant de la daube à la radio pour aller bouffer de la merde, ils sont utilisés (si notre survie immédiate n’est pas en jeu – la culture et l’écologie étant des préoccupations de riches) pour observer, réfléchir, s’informer, échanger, apprendre, comprendre. Et au bout du compte changer. Revoir ses valeurs. Ses priorités. Prendre soin de soi. Des autres. Se réorienter professionnellement. Revoir son impact environnemental. Alimentaire. Son engagement politique ou associatif. Sa vision de la survie, de l’entraide. Sa façon de consommer et choisir différemment à qui on donne son argent. Ces changements globaux qui s’annoncent, qu’on en accepte la réalité ou pas, on les choisira ou on les subira. Autant s’y préparer, non ? Quand on fait quelque chose volontairement, on le vit toujours mieux que si ça nous est imposé. Quoi que ce soit. Le “choix” a ce pouvoir.
Alors, en conclusion ?
“Jusqu’ici tout va bien.
Mais l’important c’est pas la chute.”
Beaucoup craignent que les choses ne redeviennent pas comme avant. Et bien moi, je tremble à l’idée qu’elles ne changent pas. Qu’on ne sache pas saisir cette opportunité qui nous est présentée. Qu’on ne choisisse pas la pilule rouge. Qu’on ne descende pas avec Alice et le Lapin Blanc au fond du terrier. Mais je garde un fond d’optimisme. Les mentalités évoluent. De plus en plus. “Des choses sont en mouvement… qui ne peuvent être arrêtées”.
Soyons l’antidote, plus le virus.
Brett Caldas-Lima (Tower Studio)
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